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La finance islamique au service du développement des économies africaines
15 janvier 2016

La Société islamique pour le développement du secteur privé (SID) estime, dans un rapport mettant en exergue les opportunités et le potentiel de développement de la finance islamique en Afrique, que la finance islamique est en mesure de mobiliser les ressources financières permettant d’apporter au continent une croissance durable.

Alors que les déficits budgétaires ne cessent de croitre, la région a besoin de 93 milliards de dollars pour financer son développement. L’Afrique subsaharienne compte 17% des personnes non bancarisées de la planète, le développement de la micro finance islamique pourrait offrir la possibilité d’encourager l’inclusion financière.

 

Aujourd’hui, avec l'usage de la finance islamique, les États africains souhaitent sortir de la spirale de la dette et opter pour une finance plus équitable leur assurant un développement durable. L’aide publique au développement fournie par les pays industriels du Nord aux 122 pays du Tiers-monde s’est élevée à 88 milliards de dollars en 2012. Durant la même année, ces derniers ont transféré aux banques du Nord une somme supérieure au service de la dette.

 

C'est dans le but d'éviter ces effets pervers et d’assurer un développement économique et social vertueux dans les 56 États membres de l’OCI que la Banque Islamique de Développement (BID) joue un rôle moteur sur le continent africain. La BID souhaite consacrer au financement d’infrastructures 7 milliards de dollars dans les cinq prochaines années en Afrique, ce qui représente près d’un tiers de son budget. Cet engagement s'est matérialisé par la signature d’un accord avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui a identifié dans son plan stratégique 2014-2021 le développement de la finance islamique comme étant un axe prioritaire.

Nouvelle banque islamique en Tunisie

Selon le premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, « la finance islamique est une opportunité pour les pays africains qui éprouvent des besoins de financement de leurs économies en marche vers l’émergence ». Le 20 novembre dernier, la Côte d’Ivoire émettait son premier sak souverain. L’opération a porté sur la collecte de près de 230 millions d’euros (150 milliards de FCFA), il s’agit d’une première tranche puisque la Côte d’Ivoire a l’intention de lever à nouveau la même somme par voie de sukuk d’ici à 2020. Après le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire ; le Nigeria, le Niger et la Tunisie comptent en faire autant.

A noter qu’en Tunisie, une nouvelle banque islamique est prête à voir le jour : El Wifack Leasing a obtenu un accord de la banque centrale pour devenir une banque islamique à part entière, dotée d’un capital de 150 millions de dinars tunisiens, la Wifack Islamic Bank (WIB) deviendra après El Baraka et Zitouna la 3ème banque islamique tunisienne. En Ouganda, le parlement a approuvé le projet de réforme de ses institutions financières et donné son accord pour l’introduction des services bancaires islamiques, un Conseil consultatif de la Charia sera créé au sein de la banque centrale.

Le dynamisme marocain

Le journal l’Economiste rapporte qu’Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale du Maroc, a indiqué qu’une quinzaine d’institutions financières ont déposé des demandes d’agrément pour l’obtention des licences bancaires participatives. Parmi elles on retrouve l’alliance BMCI et BNP Paribas Nejmah ainsi que BCP qui envisage un partenariat stratégique avec Guidance Group, groupe américain spécialisé dans l’investissement immobilier. On peut également citer Al Baraka Bank qui sera détenue par parts égales par le groupe Baraka et BMCE.

Tout récemment Reuters a rapporté que le Crédit Immobilier et hôtelier (CIH Bank) a déposé une demande d’agrément dans le but de lancer une filiale dédiée à la finance islamique. Cette filiale doit être créée en partenariat avec la banque qatarie Qatar International Islamic Bank (QIIB) qui ambitionnait de s’implanter au Maroc depuis déjà plusieurs années et qui détiendra 40 % des parts de la future banque. Le lancement est attendu courant 2016, une fois les autorisations nécessaires obtenues.

Quant au développement du Takaful, un projet de loi a été approuvé le 14 mai 2015 par le Conseil de gouvernement en vue de sa transmission au parlement. Rappelons que le Maroc s’est doté d’un comité de conformité à la Charia central destiné à encadrer le développement et assurer la conformité du secteur participatif. Ce comité est composé de 15 membres : 10 jurisconsultes et 5 experts financiers.

Un ralentissement en Asie et au Moyen-Orient

En Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est et pays musulman le plus peuplé au monde, le régulateur a pris des dispositions afin de développer le secteur financier islamique qui représente actuellement moins de 5% des actifs bancaires indonésiens. Lorsque l’on sait que ces actifs avoisinent 50 % en Arabie Saoudite et 25 % en Malaisie, il est aisé d'entrevoir la réserve de croissance considérable du secteur indonésien. Parmi les disposition retenues on notera la fusion de quatre filiales islamiques de banques conventionnelles (fenêtres islamiques) appartenant à l’ État en vue de créer une seule banque publique islamique ayant une taille lui permettant d’être plus compétitive face à ses concurrentes conventionnelles.

Cependant, malgré le dynamisme africain et indonésien, la croissance du secteur va probablement ralentir en 2016, l'industrie a atteint une masse critique, avec un actif total dépassant 2 000 milliards de dollars. Selon le dernier rapport annuel de l’Islamic Finance News, l’industrie fait face aujourd’hui à trois défis majeurs: la baisse des prix du pétrole, les changements rapides de la régulation financière mondiale et la fragmentation du marché. Selon Standard and Poor's la croissance de l’industrie devrait passer en 2016 à un taux de croissance à un chiffre contre des taux croissance qui allaient de 10 à 15% au cours de dernière décennie.

Le marché mondial des sukuk a baissé en 2015 en raison de l’interruption des émissions de la banque Negara (banque centrale malaisienne) qui avait émis 50 milliards de sukuk en 2014 et représentait près de 50 % du marché. En 2016, les émissions de sukuk devraient se situer dans une fourchette comprise entre 50 à 55 milliards de dollars, toujours selon l’agence de notation Standard dans Poor’s, alors qu’elles représentaient 63,5 milliards en 2015 et 116,4 milliards en 2014. En 2015 dans les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), les émissions d’obligations conventionnelles basées sur l’intérêt ont augmenté de 140 % à 58 milliards de dollars alors que les sukuk reculaient de 22% à 18 milliards de dollars.

3 000 milliards dans les années 2020

La finance islamique va conserver l'élan nécessaire pour continuer à progresser et maintenir une certaine croissance. Les gouvernements du monde entier voient dans cette finance un outil pour maintenir leurs dépenses budgétaires et contrer l'impact négatif des prix du pétrole sur leurs budgets. Les changements réglementaires pourraient aider l'industrie à résoudre les problèmes liés à l'absence d'instruments de gestion des liquidités et lui permettre d'appliquer plus rigoureusement le principe du partage des pertes et des profits. Quant à la normalisation des pratiques, elle pourra permettre d’améliorer l'intégration de l'industrie et sa capacité d'innovation.

 

Les analystes estiment que l’industrie devrait atteindre une valeur de 3000 milliards de dollars dans le courant de la prochaine décennie. Cette croissance sera probablement le résultat de la combinaison des efforts déployés par les acteurs de la finance islamique ainsi que sa contribution au développement de l'économie réelle, qui alimente l'intérêt des États et institutions en charge du développement.

 

Quant à l’Europe, rappelons que le Luxembourg au travers de la politique volontariste de son Premier ministre a réaffirmé son souhait de voir une banque islamique sur son sol et se prépare à une nouvelle émission de sak souverain.